Accusations du Mali contre la France : De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas !
- theomone
- 19 août 2022
- 4 min de lecture
La France et le Mali sont comme des frères siamois depuis plus de 60 ans. La colonisation a fait du Mali, comme d’ailleurs les anciennes colonies, un pré-carré français. Pendant longtemps, l’un ne pouvait pas se passer de l’autre et les relations, quoique difficiles et tumultueuses, étaient au beau fixe. Rien ne présageait des désaccords aussi profonds entre ces deux pays jusqu’à des accusations gravissime teintées de menaces. Mais un adage moaga dit de « ne point entrer entre l’écorce et l’arbre », tellement leur complicité est originelle ! Faut-il donc voir dans ces incompréhensions criardes un combat de leadership pour les intérêts plus équilibrés, de souveraineté plus affirmée ou un désamour aux conséquences fâcheuses ? Analyse froide.
Je t’aime, moi non plus !

Le Mali est devenu indépendant le 22 septembre 1960, après l'éclatement de la fédération du Mali regroupant le Sénégal et la République soudanaise. La France, il faut le noter, est le premier bailleur bilatéral du Mali. Elle soutient les secteurs de la santé et de l'éducation, du développement rural et des infrastructures d'eau et d'énergie (comme par le projet Alliance Sahel). Le Mali et la France entretiennent des relations étroites et confiantes tant pour des raisons historiques et culturelles que du fait de la présence en France d'une importante diaspora malienne. Les relations politiques se sont d’ailleurs densifiées durant les 20 dernières années par le biais de nombreuses visites bilatérales. Les Maliens se sentaient protégés par la France qui volait à leur secours à tout moment. L’opération Serval en est un exemple concret. Aussi rien ne présageait un malentendu, surtout pas un divorce. Aucun signe précurseur ne l’annonçait. Mais alors pourquoi cette situation délétères ?
Une dégradation des relations depuis août 2020
Neuf ans (Janvier 2013 de l’opération Serval) qui avait pour objectif de soutenir les troupes maliennes cherchant à repousser une offensive des groupes armés terroristes qui ont pris le contrôle de l'Azawa, la partie nord du pays, les relations se sont bien dégradées entre les deux pays. Une détérioration des relations qui s'est accélérée depuis l’arrivée des militaires au pouvoir suite au putsch d’août 2020 qui n’auraient pas pas tenu leur engagement initial d'organiser des élections qui auraient ramené les civils à la tête du Mali en février 2022.
En effet, les relations entre les deux pays se sont dégradées suite aux propos de Jean-Yves Le Drian concernant la "junte illégitime" au Mali. Les autorités maliennes ont alors décidé d'exclure l'ambassadeur de France au Mali. Jean-Yves le Drian avait dénoncé une junte malienne "illégitime" aux décisions "irresponsables" après que le Mali a demandé au Danemark de retirer "immédiatement" ses soldats de l'opération Takuba, une coalition de forces spéciales d'une douzaine de pays européens sous commandement français, censée former l'armée malienne.

En réponse aux propos de Jean-Yves Le Drian qualifiés "d'hostiles et outrageux", Bamako a décidé d'expulser en 72 heures l'ambassadeur de France au Mali Joël Meyer. "Nous invitons également Mme Parly [ndlr : la ministre des Armées] à plus de retenue et également à respecter le principe élémentaire de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un État", a déclaré le colonel Abdoulaye Maïga. Le haut responsable de la junte a accusé le gouvernement français de chercher à diviser les Maliens et de conserver ses "réflexes coloniaux".
Le Mali accuse la France d’armer les terroristes et saisit l’ONU
Après le retrait de la force Barkhane en ce mois d’août, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a transmis une lettre au Conseil de sécurité de l’ONU pour dénoncer des violations de l’espace aérien du Mali tout en accusant l'armée française de soutien aux jihadistes. Le ministre Diop, dit disposer de « plusieurs éléments » prouvant que ces incursions illégales dans le ciel malien ont « servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes » « et pour leur larguer des armes et des munitions. »

Le chef de la diplomatie malienne demande une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU et menace : « en cas de persistance de cette posture qui porte atteinte à la stabilité et à la sécurité de notre pays, le Mali se réserve le droit de faire usage de la légitime défense. »
Les maliens veulent réduire le pouvoir et l’influence de la France au Mali notamment le spectre de la Françafrique.
Alors que plusieurs autres ressources du pays (comme le fer, la bauxite ou le pétrole) restent encore largement inexploitées, le plus grand intérêt d'un pays comme la France est surtout de garder la paix au Mali, notamment pour protéger ses gisements d'uranium au Niger voisin. En outre le sous-sol malien contient de l'or. Le pays est le troisième producteur africain (après l'Afrique du Sud et le Ghana) du métal jaune. Et si d’aventure la France n'a pas franchement d'intérêts économiques au Mali, elle en a dans la sous-région. A commencer par l'uranium nigérien. L'uranium nigérien est nécessaire à Areva. L'entreprise française y est présente depuis quarante ans
Au-delà du seul Niger, le Sahel
En effet, ces dernières années, le Sahel a réveillé l'intérêt de grandes puissances sous la pression de la demande chinoise en matières premières. De nombreux pays se sont intéressés de près aux ressources sahéliennes. On retrouve la Chine, le Canada et des pays du Golfe dont le Qatar. La France craint donc de perdre son influence dans son "pré carré" et au-delà.
Un couple appelé à s’entendre
Les Maliens profitent d’une situation de crise pour obliger la France à revoir son paternalisme exacerbant. Et ils utilisent la manière forte dont la France a besoin pour réviser les termes de son partenariat. La France peut se sentir humiliée et ridiculisée ; mais durant combien d’années le Mali a été infantilisé ? Il faut s’attendre qu’après ces moments de crises, les relations reprennent de plus belle mais avec plus de respect mutuel et de considération réciproque.
Sinon, à voir de près, les Français n’ont pas intérêt à armer les terroristes qui tuent aussi des Français de France et des militaires français en mission au Sahel. Ce serait aberrant, inconscient et irresponsable.
Par Théophile MONE
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