Diplômé ou illettré : de quel député le Burkina Faso a besoin aujourd’hui?
- theomone
- 13 août 2022
- 3 min de lecture
Ici au Burkina comme ailleurs en Afrique, certains députés sont illettrés ou mal instruits. Cela gêne des citoyens qui en parlent souvent ouvertement tout en souhaitant vivement que les élus du peuple s’expriment correctement en français et écrivent bien la langue de Molière. Mais le député a-t-il vraiment besoin d’avoir des diplômes ou d’être allé à l’école pour représenter valablement le peuple? Dans un contexte particulier, l’Assemblée Législative de Transition nous en donne des réponses mitigées.

Notre Assemblée Législative de Transition (ALT) « engendrée » par les autorités du nouveau pouvoir est l’un des principaux piliers de notre démocratie. Les missions constitutionnelles de l’ALT sont : « voter la loi, consentir l’impôt et contrôler l’action du gouvernement. Les membres de L’Assemblée Législative de Transition sont des personnalités désignées par le Chef de l’Etat et par diverses composantes de la société burkinabè. Ils portent le titre de « Député » et exercent le pouvoir législatif, conformément aux dispositions de la Constitution et de la Charte de la Transition. La deuxième législature de la Transition comprend soixante-onze (71) députés désignés par le chef de l'Etat (21), les forces de défense et de sécurité (16), les organisations de la société civile (13), les représentants des régions du pays (13, un par région) et par les partis politiques (8).
On y retrouve des intellectuels comme Luc Adolphe Tiao, le dernier premier ministre de l'ex-président Blaise Compaoré, un avocat, des juristes, des professeurs, des gradés de l’Armée, un colonel-major à la retraite, des enseignants, des journalistes, un parterre d’intellectuels à même de faire de notre Assemblée, le temple des propositions de bonnes lois. A côtés de ceux-ci notre Assemblée a, en son sein, des paysans, des commerçants, des artisans, ….
De prime à bord, tous ne sont pas issus des circonscriptions électorales, bénéficiant de la confiance des populations après des votes justes et transparentes. Nos députés actuels ont été simplement désignés ou nommés ! D’où les niveaux intellectuels divergents. N’empêche, l’essentiel est qu’ils connaissent les problèmes de développement du Burkina Faso et s’investissent consciencieusement à leurs résolutions tout en osant contrôler l’action du gouvernement.

Cette Assemblée prouve que ce qui compte pour un député est de s’avoir aussi s’exprimer dans les langues officielles du pays pour contribuer à la construction de son pays. Même si, pour faciliter la compréhension de tous, la traduction simultanée en bonne et due forme est souhaitée à l’hémicycle lors des débats. Ainsi, si nécessaire, des interprètes, en cabine, devront se chargés d’entendre et de traduire du Mooré ou du Dioula vers le Français et vice-versa. La responsabilité de l’Etat de doter des députés en assistants parlementaires, capables de les aider dans la formulation écrite, en langues nationales ou en français, des textes lus en plénière, se pose.
C’est une perspective à la laquelle il faudra penser de même que la possibilité de traduire constamment dans le langage des sourds muets tous les débats qui se mènent à l’Assemblée. L’objectif étant de valoriser d’une part nos langues nationales et de permettre d’autre part à tous les citoyens d’être informés de la vie de la nation.
Mais en vérité, le problème est plus profond qu’on ne le pense : comment en effet des députés sans formation et sans niveau d’instruction acceptable peuvent-ils défendre notre pays à l’international ? Peuvent-ils vraiment convaincre nos partenaires ? Peuvent-ils participer vraiment (sans subir) à l’élaboration des lois dans ce contexte difficile et particulier marqué par les attaques terroristes ? N’y a-t-il pas de risque que nos députés soient des marionnettes du pouvoir que de vrais représentants du peuple ?

Oui, en définitive, l’on peut être député sans être bardé de diplômes ! Mais la contribution sera moindre par rapport aux défis auxquels notre pays est confronté et qui nécessitent que cette institution soit dirigée par des hommes et des femmes qui en maîtrisent les rouages et son importance.
Il ne s’agit pas de complexes d’infériorité ou de supériorité, mais plutôt de réalisme.
Par Théophile MONE
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