REPORTAGE. Coronavirus : au Burkina Faso, « on soigne aussi les cœurs »
- Zadi Mabo
- 8 août 2022
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 août 2022
À Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, les soignants de l’hôpital de Tengandogo sont « au front » face à l’épidémie de coronavirus. À eux aussi de mettre du baume au cœur des patients.

À l’hôpital de Ouagadougou, au Burkina Faso, les soignants tentent de remonter le moral des patients atteints de Covid-19. | SOPHIE
Le docteur Pierre Kaboré esquisse un sourire. Il est soulagé. Face à lui, dans son lit d’hôpital, Mariam Coulibaly, une patiente de 69 ans atteinte du coronavirus, respire encore difficilement dans son masque à oxygène, mais elle est hors de danger maintenant, rassure le médecin, dont on ne distingue que les yeux derrière ses lunettes, son masque et sa visière de protection. Il y a quelques jours encore, il était sûr à 80 % qu’on ne la récupérerait pas. Elle présentait une détresse respiratoire aiguë et était très abattue psychologiquement.
À côté, les mêmes regards anxieux le questionnent. Il lui faut écouter, expliquer, rassurer. À Tengandogo, l’hôpital réquisitionné pour abriter le centre de prise en charge des malades du Covid-19 à Ouagadougou, les soignants tentent aussi de redonner espoir à leurs patients les plus gravement atteints par le virus, qui a déjà contaminé plus de 600 personnes et fait 38 décès au Burkina Faso, l’un des pays les plus touchés en Afrique de l’Ouest.
« J’ai eu peur, je ne savais rien de cette maladie »
Quand on m’a dit Covid, j’ai eu peur, je ne savais rien de cette maladie, le néant, mais les psychologues m’ont rassurée, raconte Mariam Coulibaly, passée par une phase de dépression après le décès de son beau-frère, qui a lui aussi été infecté. Sentiment de culpabilité, angoisse face à la maladie, isolement…

Mariam Coulibaly, guérie du Covid-19. | SOPHIE DOUCE
<< Soigner le cœur>>, malgré leurs encombrantes combinaisons et les consignes de distanciation, c’est aussi l’ambition du docteur Kaboré et de ses équipes. On est dans une bulle, nos tenues sont des barrières, ça peut angoisser les malades, explique le médecin. Il faut donc éviter la psychose, encourager, organiser des danses, entonner des chansons et lancer des causeries… C’est ce qui a sauvé Mariam Coulibaly, raconte-t-il. Nos patients sont éloignés de leurs proches, le temps des soins on est un peu comme leur deuxième famille, observe Pierre Kaboré, qui s’est engagé comme médecin volontaire le 9 mars, date du premier cas officiel de coronavirus au Burkina.
Une vingtaine de lits en réanimation pour 20 millions d’habitants
Mariam Coulibaly et les autres guéris sont des victoires engrangées sur la maladie, qui mettent du baume au cœur du corps médical du CHU de Tengandogo. Ici, on préfère garder espoir. Pas le choix, rétorque le docteur Kaboré, soit on se résigne, soit on continue le combat.
Manque de matériel adapté, rupture de consommables, insalubrité : les difficultés sont pourtant nombreuses. Le service réanimation compte seulement 7 lits fonctionnels. Au Burkina, il n’y en a qu’une vingtaine pour près de 20 millions d’habitants. L’inquiétude monte au fil de l’aggravation de l’épidémie. Chaque jour, des dizaines de nouveaux cas sont recensées dans le pays, qui enregistre un taux de létalité de 6 %, le plus élevé de la sous-région. Alors au CHU de Tengandogo, on tente de se préparer au pire. Comme dans l’armée, quand on nous attaque il faut aller au front, pour nous c’est pareil, face à cette pandémie on doit se battre, résume Oumarou Sawadogo, un infirmier volontaire de 27 ans.
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