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Transition du Burkina Faso : et les politiques dans tout ça ?

REPORTAGE. L’incapacité des politiques à résoudre les problèmes de sécurité du pays a conduit au coup d’État du 24 janvier. Quelle place pour eux dans le processus actuel ?

Par Bernard Kaboré, à Ouagadougou

Quand le coup d'État du 24 janvier a été confirmé par le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), plus d'un observateur s'est interrogé sur le devenir de la classe politique. Condamnations, regrets, appels à la sauvegarde des acquis de développement, demandes de libération de l'ancien chef de l'État, Roch Kaboré – qui jusque-là est assigné en résidence surveillée –, professions de foi à l'endroit des nouveaux dirigeants : beaucoup a été dit par les différents acteurs politiques. Dans la foulée, le nouveau locataire de la présidence, Paul-Henri Sandaogo Damiba, a pris contact avec des représentants de partis politiques qu'il a appelés à la retenue « afin de ne pas compromettre les réformes qui seront engagées », selon les mots de certains participants. Quel effet a eu cette exhortation dans la nouvelle dynamique de la classe politique ? Comment se comporte-t-elle désormais ? Quel regard les citoyens posent-ils sur cette classe politique ? Éléments de réponses.


La course aux déclarations

« Le 24 janvier 2022, un groupe de militaires a décidé de la mise en œuvre de ce qui n'était plus qu'un secret de polichinelle. Ils ont ainsi porté un coup d'arrêt à notre démocratie et installé le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration [MPSR] » : ce bout de phrase est tiré d'une déclaration de l'ex-parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès, deux jours après le renversement de Roch Kaboré. Dans cette déclaration, le MPP dénonçait un « mode anticonstitutionnel d'accession au pouvoir » qui « comporte de nombreux risques » pour le pays, dont « l'écorchement de son image », tout en affirmant sa « disponibilité à jouer sa partition, aux côtés du peuple pour son épanouissement ».


À l'instar de l'ex-parti au pouvoir, le reste de la classe politique n'est pas resté indifférent au changement opéré à la tête de l'État, réagissant à coups de communiqués de presse. Quand ce n'est pas l'Unir-MPS, membre de l'Alliance des partis de l'ex-majorité présidentielle, qui « félicite » le président du MPSR, Paul-Henri Sandaogo Damiba, pour « sa fermeté dans un esprit de conciliation », par exemple, ce sont des partis de l'opposition, avec à la tête leur chef de file, Eddie Komboïgo, qui disent marquer leur « disponibilité à apprécier la vision qui leur sera soumise » par les nouvelles autorités. Mais tout cela, c'était tout juste au lendemain du putsch. Car après une rencontre avec le chef de l'État, le 1er février, les prises de parole au sein de la classe politique sont devenues aussi rares qu'un merle blanc.


« Un militantisme responsable »

En substance, le patron du MPSR avait prôné un accompagnement désintéressé de la part des acteurs politiques. « Le chef de l'État a demandé aux partis politiques d'avoir plus de responsabilités dans le militantisme au cours de cette phase de la vie nationale en cours pour ne pas compromettre les réformes qui seront engagées », avait déclaré le Pr Abdoulaye Soma, président du parti Soleil d'avenir et porte-parole de l'ex-opposition non affiliée, regroupement de partis non-membres du cadre de concertation de l'ex-chef de file de l'opposition. À l'oreille de certains, cette exhortation du lieutenant-colonel Sandaogo Damiba a sonné comme une mise en garde. Tant et si bien que, depuis lors, c'est à peine si les figures politiques n'ont pas disparu des radars, alors même que le débat public autour du processus de transition s'intensifie. Plus de déclarations, peu de sorties médiatiques.


Mais qu'est-ce qui est d'actualité au sein des partis ? Que dit-on de la « mise en touche » par les nouvelles autorités ? Que reste-t-il à faire pour les formations politiques anciennement membres de l'opposition ou de la majorité présidentielle ? Quelles suggestions pour réussir la transition ? Celle-ci est-elle envisageable sans la participation active de la classe politique ? En adressant ces interrogations à des responsables politiques, les réponses sont diverses et dépendent du bord politique.


Qu'est-ce qu'une bonne transition ?

Pour Me Hermann Yameogo, président de l'UNDD, l'un des plus vieux partis d'opposition, la réussite de la transition passe nécessairement par « le patriotisme », lequel doit prévaloir pour « la sauvegarde et la restauration de la nation aussi bien dans ses valeurs déchues que dans ses territoires perdus ». En clair, la priorité doit être accordée à la lutte contre le terrorisme et, à côté, « l'union sacrée par la réconciliation », estime Hermann Yameogo, fils du tout premier président burkinabé Maurice Yameogo. Et de citer l'exemple de l'ancien chef de l'État français, Raymond Poincaré qui, « en apportant des réponses à des attentes insatisfaites de l'Église et des syndicats, a su susciter l'union sacrée des Français pour faire face à la guerre », le contexte burkinabè étant marqué par la persistance des attaques terroristes.


Miser sur la lutte antiterroriste, c'est aussi l'avis de Léonce Koné, anciennement membre du CDP de l'ex-président Blaise Compaoré et aujourd'hui à la tête d'une formation politique, Rupture positive. « Les nouvelles autorités ont indiqué que leur priorité absolue sera d'intensifier la guerre contre le terrorisme, en se fixant comme objectif concret de reconquérir les zones perdues par l'État et d'y réinstaller les populations dans de bonnes conditions de vie et de sécurité. C'est à cette aune que se mesurera le succès de leur action », estime Léonce Koné. « Renforcer » par ailleurs « la cohésion nationale et les programmes de développement locaux », d'autant plus qu'« il ne faut pas perdre de vue le fait que les terroristes sont parvenus à recruter dans leurs rangs de nombreux jeunes Burkinabè qui leur servent de supplétifs. Si bien que ce conflit prend parfois les allures d'une guerre civile entre Burkinabè, dont on ne mesure pas les développements futurs », poursuit-il. Un autre aspect à ne pas occulter, c'est « l'organisation d'un retour du pays à un ordre constitutionnel normal », conclut le cadre de banque qui préconise « un délai de deux ans pour la tenue d'élections ».

Sécuriser et réconcilier, oui, mais il faudra « marquer la rupture dans la gouvernance par la lutte contre la corruption, l'impunité et tous ces maux d'injustice qui minent notre nation », soutient pour sa part le secrétaire général de l'Unir/MPSR, Boureima Thiombiano.


Une place inconfortable

Invitée à plus observer qu'à mettre la main à la pâte, la classe politique – une bonne partie d'elle – ne se montre pas confortablement assise dans la place qui lui a été attribuée par les nouvelles autorités. Pour Hermann Yameogo, « il n'est pas juste de disposer tous les partis sans distinction sur le banc des accusés », convaincu que « certains d'entre eux, comme l'UNDD, ont toujours joué leur rôle d'opposant en dénonçant l'incompétence et l'irresponsabilité́ du tenant en chef du régime défunt ».

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